
BORDEAUX : QUI A TUÉ LA POLICE MUNICIPALE? 2/2
Annoncé par Alain Juppé, puis par Nicolas Florian, et plus récemment par Pierre Hurmic, le recrutement de policiers municipaux est une arlésienne, une promesse jamais tenue, une preuve supplémentaire du mépris qui frappe ce service depuis plus d’une décennie.
LES LOIS DE L’ATTRACTION
Bordeaux compte actuellement 115 agents dont 47 ASVP (Agents de Surveillance de la Voie Publique), soit moins de 70 policiers municipaux de terrain pour 250.000 habitants. « Ils veulent faire monter des ASVP mais certains gagnent autant qu’un agent de terrain, ils n’ont aucun intérêt à passer PM ». Les policiers nationaux, gendarmes ou militaires, qui pourraient, quant à eux, être tentés par l’aventure de la municipale, ne tournent par leur regard vers la capitale girondine :
« On a une réputation particulièrement mauvaise au niveau national depuis le passage d’Andreotti. Les PM des autres villes sont bien conscients qu’il y a anguille sous roche ».
D’autant que, question salaire, Bordeaux n’a pas grand chose à offrir : le salaire
mensuel y est 400 euros inférieur à celui des agents toulousains, par exemple. « On récupère essentiellement des agents qui viennent se faire payer la formation initiale avant de s’en
retourner de par chez eux. Bordeaux est devenue la vache à lait de la formation au bénéfice des autres collectivités ». Et ce n’est pas la récente augmentation de 23 euros nets (en réalité une simple mise à jour d’un décret jamais appliqué) qui permettra de susciter davantage de vocations ni d’endiguer les départs : « On a quelques vieux “Chibanis“ fatigués dont on pourrait croire qu’ils vont aller tranquillement au bout de leur carrière. Mais même eux, ils veulent muter pour quitter Bordeaux ». D’autant qu’en coulisse, les boîtes privées de sécurité s’agitent pour débaucher les
agents. « Ça se fait par le bouche-à-oreille, à la boxe, au crossfit. On croise d’anciens collègues qui nous en parlent. Certains se font 500 balles de plus par mois en bossant chez Michelin. Et en plus, ils sont armés ! ».
« En PM, les leviers d’attractions sont simples
à définir : l’armement létal et le pognon.
À Bordeaux, il n’y a ni l’un ni l’autre. »
LE CHOIX DES ARMES
Heureusement, au palais Rohan, on a pas de moyens mais on a des idées : « Monsieur Del Soccoro, directeur RH de la mairie, déjà à la manoeuvre pour nous faire avaler le projet de service 2018, semble avoir trouvé la martingale pour enfin rendre la PM attractive : mieux rédiger les annonces d’emplois et les publier sur de multiples supports ! Si avec ça, les candidats ne se bousculent pas au portillon, c’est à n’y rien comprendre », ironise un agent. La mission recrutement semble d’autant plus improbable que la concurrence est rude, d’autres communes de la Métropole ayant décidé de faire monter leur police en puissance.
À Pessac, le maire DVD, Franck Raynal, souhaite armer ses hommes et améliorer leur équipement. « La PM armée, c’est une vraie avancée. Quand on parle d’armement, on parle d’abord de notre propre sécurité » affirme un policier ayant exercé dans des villes qui ont fait le choix des armes létales pour leurs agents. En France, 53% des policiers municipaux sont armés. « Ça me choque qu’on pense qu’on ne serait pas capables de gérer des armes. On a des anciens gendarmes, des ex-officiers de Police Nationale, d’anciens militaires. Et beaucoup d’entre nous sont des tireurs sportifs. On est responsables. Pour ma part, j’ai sorti deux fois mon arme en 14 ans de carrière et je n’ai jamais tiré ». L’argument du manque de formation ou d’aptitude, souvent avancé, s’avère également peu pertinent lorsque l’on compare PN et PM. Du côté la “Natio“, une seule journée d’initiation au maniement des armes de poing est nécessaire pour être équipé et les agents doivent tirer seulement 50 cartouches par an pour s’exercer. Problème : à Bordeaux, le pas de tir, situé sous le commissariat, est HS depuis un bail à cause d’un problème de pollution au plomb ! Du côté de la “Municipale“, en comparaison, la formation dure cinq jours et doit être remise à niveau tous les 6 mois. « En plus, on est contrôlé et on peut nous désarmer si on n’est pas à jour dans la formation. Le vrai problème est idéologique. À Bordeaux, tant qu’il n’y aura pas d’obligation légale et tant qu’Hurmic sera à la mairie, on a aucune chance d’être armés.
M. Smihi semble concerné mais ses saillies dans la presse sur l’aptitude des agents à utiliser les armes nous ont foutu les boules. Pour lui, nos 30 Tasers sont suffisants ». La question de l’armement serait donc, selon les principaux intéressés, fondamentale dans le processus de recrutement. C’est sans doute ce qui a conduit Nicolas Florian à se déclarer récemment très favorable à cette mesure. « Il n’a jamais été aussi force de proposition pour la PM de Bordeaux que depuis qu’il n’est plus maire alors qu’il ne lui portait aucun intérêt quand il était aux manettes », tranche un agent.
Des armes et du pognon, tel serait donc le package indispensable pour attirer les meilleurs candidats. Mais ce dont aurait également bien besoin ce service en décrépitude, c’est d’un minimum de considération. De la part des politiques, évidemment, mais aussi des policiers nationaux.
RECHERCHE POLICE NATIONALE DÉSESPÉRÉMENT
« Dans les autres villes où j’ai travaillé, on était main dans la main avec les commissariats, mais ici je ne connais pas le nom d’un seul collègue de la Police Nationale. J’ai appris la mort du petit Lionel aux Aubiers par la presse alors que la veille on était dans le secteur. Les bandes rivales se déchaînent et on nous tient au courant de rien ». Ce constat amer d’une rupture de communication entre Polices Nationale et Municipale ne date pas d’hier mais s’est considérablement aggravé ces dernières années : « Les liens ne reposent plus que sur la bonne volonté des uns et des autres. C’est une affaire d’hommes, ça n’a plus rien d’officiel. Autrefois, on avait quatre lignes téléphoniques dédiées à la com PN-PM, plus qu’une aujourd’hui. Eric Krust, commissaire divisionnaire, les a supprimées à la demande du DDSP (Directeur Départemental de la Sécurité Publique). Ils ne sont clairement pas favorables au partage de données. C’est fou. On est une mine d’informations et ils s’en privent. »
« On collabore avec tout le monde : la BAC, les douanes,
les stups… C’est dans notre culture. »
Cette friture sur la ligne entre des services qui devraient naturellement collaborer peut aller jusqu’à l’absurde : « On ruine parfois les planques de la PN sans le vouloir. Il suffirait qu’ils nous disent d’éviter tel ou tel secteur et de nous informer que leurs agents sont en planque, mais non, ils ne nous préviennent jamais ». Et la réforme du 4 janvier, qui a vu la fermeture des commissariats de Bruges et du Bouscat, n’a rien arrangé : « En cas de besoin dans le secteur, on a plus aucun renfort. La PN arrive une demi-heure après qu’on les ait sollicités. On est censés partager un canal d’urgence mais je ne suis même pas certain qu’il y a un opérateur derrière l’appareil. Quand on a une situation tendue, on appelle le 17 ».
Même constat de mésentente cordiale avec les OPJ (Officiers de Police Judiciaire) qui doivent instruire les affaires que leur ramènent les agents de la PM : «On arrête des types pour trafic, on les présente aux OPJ qui souvent n’en veulent pas. Soit ils ont peur de déranger le procureur, soit ils nous disent qu’ils sont overbookés ou qu’ils ont reçu consigne du parquet de ne pas prendre tel ou tel type de dossier. Et quand ils daignent prendre l’une de nos affaires, ils nous font poireauter sur place pendant des heures. Imagine, tu ramènes à l’OPJ un mec bourré qui a agressé des gens, il pourrait le faire mettre en cellule le temps de la garde à vue, mais, pour son confort, parce qu’il veut l’avoir sous la main, il nous demande de le maintenir sur un banc, devant la porte de son bureau. Et comme il n’y a pas d’agent pour le surveiller, c’est nous qui nous y collons pendant parfois plusieurs heures».
Tels sont les obstacles, renoncements et petites humiliations qui se dressent chaque jour sur la route de ces agents pourtant plus que jamais aux avant-postes du maintien de l’ordre et de la paix.
DE LA RESPONSABILITÉ D’UN MAIRE
À l’issue de cette immersion au cœur de l’un des services les plus fondamentaux de notre vie locale, mais aussi l’un des plus maltraités, on a le sentiment que si rien n’est fait, si des actions fortes ne sont pas mises en œuvre rapidement, ces fantassins de la République que sont les policiers municipaux ne seront bientôt plus en capacité de remplir leur mission. Avec le risque de voir des agents se retirer des points chauds pour leur propre sécurité.
« Ça fait au moins 2 ans qu’on ne met plus les pieds aux Aubiers ou à Grand Parc. Pour l’instant, on se déploie encore à Saint Michel où on constate le plus de faits délictueux. C’est chaud, mais on s’accroche, on a pas le choix, ce sera la savane si on arrête de faire le job ».
Souhaitons que cet avertissement soit entendu par Pierre Hurmic à l’orée d’un été sous haute tension. Qu’il le veuille ou non, il est le seul à même de déterminer l’avenir de ce service public tellement essentiel à la sécurité de tous les bordelais.
BORDEAUX : QUI A TUÉ LA POLICE MUNICIPALE? 1/2
Désarmés face à une délinquance qui monte et change de nature, maltraités par leur hiérarchie, les policiers municipaux bordelais sont au bord de la crise de nerf. Agents en service ou à la retraite, ils ont accepté de briser l’omerta. Récit à plusieurs voix d’un quotidien au front.
Couteaux de boucher, couteaux de cuisine, vieux Opinel ou lames de fortune : depuis plus d’un an, les victimes d’attaques à l’arme blanche se comptent par dizaines. Dès le premier numéro de Rodéo (« L’Été des couteaux, Octobre 2020), nous vous racontions les dessous d’une saison estivale bordelaise marquée par ces coups de lame distribués, pour la plupart, par des étrangers, souvent mineurs, isolés, drogués, vivant de vols et de trafics en tout genre. Mais ce que nous ignorions, c’est que depuis l’apparition de cette délinquance inédite, la Police Municipale (PM) s’est trouvée 45 fois primo-intervenante, interpellant plusieurs agresseurs, dispersant les assaillants en cas de rixes et portant secours aux victimes : « Nous sommes tous formés aux premiers secours et dans nos rangs, on compte d’anciens pompiers de Paris et des auxiliaires médicaux de la colonne d’assaut des forces spéciales. Le hic, c’est qu’on ne dispose que d’une seule trousse de premiers secours par véhicule ».
Toute la situation de la PM bordelaise tient dans cet exemple : des agents qualifiés, expérimentés, volontaires, en première ligne et… à poil ! Passés en quelques années, en raison de la hausse brutale de la délinquance, du statut d’agents de la circulation à celui de gardiens de l’ordre ultra exposés : « On fait face à toutes formes de malfaiteurs : les Roms, qu’on retrouve dans du larcin classique, les Bulgares, plus impliqués dans le trafic de drogue ou la prostitution et, bien sûr, les MNA (Mineurs Non Accompagnés) dont la plupart ne sont plus du tout mineurs ! On a deux gangs d’une quarantaine de membres qui s’affrontent régulièrement, surtout des marocains et des algériens. Chaque semaine, on saisit un nombre incroyable d’armes blanches, barres de fer, poings américains, machettes. Parfois même des armes à feu ».
« Notre mission, c’est de “chasser”, de chercher le flagrant délit.
On se met toujours à la limite, parfois en danger,
c’est obligé si tu veux faire de la tranquillité publique. »
On connaît mal les prérogatives de la Police Municipale. Et pour cause, elles varient d’une ville à l’autre. À Bordeaux, ils sont d’abord priés de veiller à la tranquillité publique : «On doit gérer les SDF et leurs chiens, les musiciens de rue qui essayent de gagner leur croûte, les skaters qui font du bruit cours du Chapeau Rouge, la mère de famille qui cherche sa route, la petite frappe de quartier qui fait le malin ». Mais leur fonction les pousse aussi à intervenir sur des situations chaudes : assistance aux pompiers, à la police nationale, et bien entendu à toutes personnes sur la voie publique. Cette multiplication des missions à risques, sans directives officielles, souvent sans renfort de la Police Nationale, effectuées en sous- nombre, en sous-équipement et parfois en sous- marin, est au cœur du malaise au sein de la PM : « On se retrouve face à des délinquants qui ont un rapport à la vie humaine différent du nôtre et on manque de moyens de riposte ». C’est dans ce contexte hyper hostile que la Police Municipale bordelaise doit se réinventer et prendre toute sa place dans le continuum de sécurité. Hélas, l’histoire de ce service, si particulier, ne pousse guère à l’optimisme. Car les malheurs de ces policiers ne datent pas d’hier.
« Palpatine avait Dark Vador,
Jean-Louis David avait Nicolas Andreotti ».
Nicolas Andreotti. Le nom de l’ex-directeur de la PM de Bordeaux hante encore aujourd’hui les couloirs du n°4 impasse des Minimettes : « Certains ne passent pas une journée sans y faire allusion, il faudrait écrire un livre entier sur lui ». Nommé en 2008, cet ancien officier de gendarmerie arrive à la tête du service avec un objectif simple : optimiser le coût de fonctionnement du service. C’est peu dire qu’il mettra tout en œuvre pour atteindre cet objectif. Dès son arrivée, il ampute la brigade motorisée des trois quarts de ses agents et supprime en quasi-totalité la brigade équestre.
À l’époque, la politique du chiffre est l’alpha et l’oméga de la PM de Bordeaux, alors en queue de peloton des villes en termes d’agents par habitants mais dans le Top 5 des villes où la fourrière sévit le plus (entre 10.000 et 15.000 enlèvements annuels). La réputation d’Andreotti est aussi haute dans les couloirs de la Mairie, où les bilans financiers qu’il rend sont appréciés, que basse dans les couloirs du poste de PM, où son management fait des ravages. Le service fourrière tourne alors à plein régime.
« La pression psychologique qu’il imposait était énorme.
Il ne connaissait que le rapport de force.
Si tu baissais les yeux, il t’écrasait ».
Mais voilà qu’arrivent de nouveaux chefs de service qui ont une autre vision des missions de la PM et qui entreprennent de lever le pied sur les mises en fourrière. Les chiffres baissent et Andreotti s’agace. « Un des chefs est parti de longs mois en arrêt pour dépression après avoir été mis au placard pour servir d’exemple ». L’ambiance devient irrespirable. De plus en plus d’agents craquent et commettent l’irrémédiable : « En Juillet 2013, un des chefs historiques de la PM de Bordeaux s’est donné la mort. Quelques années plus tard, c’est le responsable du service fourrière qui s’est à son tour suicidé. On ne sait jamais dans ces affaires ce qui a été le déclencheur, le professionnel ou le privé. C’est souvent les deux ».
Certains agents, excédés, finissent par se rebiffer contre Jean-Louis David, le supérieur direct d’Andreotti : plusieurs vagues de verbalisation sont opérées dans le quartier Saint-Augustin dont il est le maire. « Les administrés venaient taper à sa porte pour se plaindre ». Pour mettre fin à la grogne, ce vieux routier de la politique a une idée de génie : donner l’ordre à ses hommes… de ne plus patrouiller dans son quartier ! C’est ainsi que Bordeaux fut certainement la seule ville dont l’élu à la sécurité interdisait à la PM de venir patrouiller dans le quartier dont il avait la charge ! Plus tard, les agents tentent de faire grève pour protester contre une nouvelle réforme des services. Mais la direction les réquisitionne et les chefs de service et collègues non grévistes sont envoyés au domicile des agents récalcitrants pour les contraindre à se plier aux ordres. « À l’époque, Juppé se gaussait du nombre de grévistes. Florian, qui était son second, préférait regarder son téléphone pendant les négociations qu’écouter les syndicats. Andreotti se régalait de voir que les élus ne montraient aucune empathie envers nous. » Malgré la grève et l’opposition de trois syndicats, le nouveau projet de service est finalement adopté.
Les protagonistes de cette sombre période quitteront leur poste peu de temps après. Juppé et David à la retraite, Nicolas Florian est propulsé maire et Nicolas Andreotti, désormais ex-directeur de la Police Municipale, se retrouve à la tête… de la société gérant les parkings et les fourrières de la ville ! Quelques semaines après sa prise de poste, une grève est menée par les salariés pour dénoncer une réorganisation sans concertation. Autre service mais toujours les mêmes méthodes…
L’EXODE DES SURVIVANTS
Impasse des Minimettes, un élan d’optimisme souffle enfin. Mais face à la montée soudaine et incontrôlée de la délinquance en Gironde, de nombreuses villes commencent à ouvrir des postes et à proposer des conditions salariales proches de celles de Bordeaux. L’exode commence : entre 2018 et 2020, une trentaine d’agents quittent leurs fonctions pour aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs : Libourne, Pessac, Gradignan, St Médard, etc. « Tout un lot d’agents extrêmement compétents qui connaissaient le terrain, les services, les réseaux, ont, du jour au lendemain, déserté la PM de Bordeaux. Laurent Lapègue (actuel directeur) est le dernier capitaine d’un bateau en train de couler. Son discours et son analyse du service sont bons mais il a les mains liées par le projet de service dont il a hérité et par le manque de connaissance et d’intérêt de toute la branche d’élus et de gratte- papiers au-dessus de lui ».C’est donc sur un champs de ruine qu’Amine Smihi, le Monsieur Ville Apaisée de Pierre Hurmic, a pris ses fonctions en juillet 2020. Rien ne prédisposait ce prof de maths à occuper le poste d’adjoint à la sécurité (voir notre interview p.7). Porteur d’un discours de fermeté, il doit composer avec une majorité peu portée sur ces questions, avec des cadres de la Police Nationale pas très enclin à mettre leur police au service d’un élu écolo et avec des agents plutôt bienveillants à son égard mais lucides quant à sa capacité à faire bouger les lignes en leur faveur. D’autant que les défis à relever sont considérables : maintenir les équipes à flot ; recruter d’urgence de nouveaux agents (comme promis par Pierre Hurmic, lui-même) ; renouer les liens fortement distendus entre la Municipale et la Nationale ; proposer une doctrine d’intervention crédible et applicable. Tout un programme sur lequel l’actuelle majorité n’avait pas beaucoup planché avant son élection surprise.
BORDEAUX : QUI A TUÉ LA POLICE NATIONALE ?
Épisode 2/2 : « Recherche candidats désespérément »
Rohan Express
Chronique de la vie politique bordelaise et au delà.
DERNIER TIR SUR L’AMBULANCE
Les beaux jours approchent, avec leur lot de réjouissances : le déconfinement, le retour des murges sur les quais, les mojitos à 38 € en terrasse… et les élections départementales ! Pour l’occasion, le beau petit monde de la juppéie rempile : Laurence Dessertine et Michel Dufranc devraient concourir sous l’étiquette « Agir », Marik Fetouh et Alexandra Siarri avec l’étendard « Bordeaux Ensemble ». Mais, une seconde… Personne pour reprendre le flambeau des Républicains, avatar de l’UMP, implanté dans la capitale des Girondins pendant un quart de siècle sous la férule du père fondateur, Alain Juppé ? Non, personne, le Parrain Nicolas Florian, soucieux de soigner son centre en vue des municipales de 2026, ayant pris soin de faire blocus sur sa droite pour qu’aucun candidat n’émerge . Vous reprendrez bien un peu de tambouille bordelaise ?
TRÈS CHERS (BILLETS) VERTS
Pierre Hurmic avait promis une ville « résiliente » et « apaisée ». Il n’en sera ainsi ni des finances, ni des débats en conseil municipal. À l’occasion de celui du 30 mars, c’est sous les huées de l’opposition qu’a été voté le premier budget vert de Bordeaux. « Nous allons dégrader de manière consciente nos ratios », avertit, pas peu fière, la première adjointe, Claudine Bichet. Excusez du peu : avec 168 millions d’euros d’investissements, la capacité de désendettement de la municipalité, jadis brocardée pour ses dépenses somptuaires, passe désormais de 4,4… à 10 ans ! Les dépenses de fonctionnement augmenteront de 2% par an, et celles de personnel de 2,5%. Exit les engueulades sur la répartition du flouze, qui coule désormais à flots : Thomas Cazenave parle « d’argent magique » quand Nicolas Florian voit un « flou ». Et les contribuables bordelais, ils en pensent quoi ?
VALÉRIE DAMIDOT, LE RETOUR
Souvenez-vous du coup de peinture, des WC neufs, et de l’éventuelle salle de shoot, proposée il y a quelques mois par la mairie pour accueillir les tox du Palais des Sports. Voilà que les services de la ville ressortent l’artillerie lourde, cette fois pour endiguer l’hémorragie d’agressions et de vols en tous genres aux Capucins, rappelés par une pétition forte de 2000 signatures : dès le mois de mai, des places de stationnement seront supprimées ! « On veut installer davantage de chalands à la place des voitures », justifie l’adjoint Olivier Cazaux. L’association culturelle Chahuts, qui promeut « les arts de la parole », sera aussi missionnée pour animer le quartier, à côté des dealers et consommateurs violents de la rue Elie Gintrac. Nul doute qu’ils seront les premiers divertis.
COMMUNIQUANT, UN MÉTIER ?
Couac de communication, épisode 3284. Après la carte de voeux qui fit disparaître Chaban de la place Pey-Berland, la mairie de Bordeaux est revenue à la charge, fin mars. Une série d’affiches placardées dans toute la ville, appelant les bordelais à donner leur avis sur des questions culturelles, a fait bondir. « Artiste, c’est un métier ? » s’interrogeait l’une d’elles. Pain béni pour l’opposition, qui s’est vu servir la bonne soupe sur un plateau. « Nous regrettons que certains aient pu penser un instant que ces questions reflétaient les interrogations de la Ville », a fini par réagir la mairie. Peut-être l’occasion de reprendre en main le canard sans tête qu’est la com de Pierre Hurmic depuis son installation ?
TRICHE EN BANDE DÉSORGANISÉE
Fraîchement élu président de la fédération Les Républicains de Gironde, Benoît Rautureau va tenter de faire oublier le contexte navrant de cette élection, entachée par un scandale d’adhésions massives au profit de son ex- rival, Pierre de Gaétan Njikam. Bien connu des bordelais, cet ancien adjoint juppéiste avait en effet réussi à faire prendre leur carte à plus de 200 adhérents en à peine quelques heures. Mais le tour de force était en fait un tour de passe- passe puisque les centaines d’adhésions sujettes à caution ont été payées… avec une demi-douzaine de cartes bancaires ! Alerté, le quartier général parisien de LR, soucieux d’éviter les remous, décide de rayer des tablettes ces nouveaux militants pro « PDG », ironique surnom de celui qui, à défaut d’occuper un poste de Président Directeur Général, aura échoué à ravir la modeste direction de la section LR girondine. En effet, le candidat, affaibli, dégagera la piste quelques jours après les révélations. Pas de quoi redonner la « super-pêche » à une droite bordelaise moribonde.
Airbnb : Apocalypse Now
27 mars
Alexandre est dératiseur. Et comme tout bon dératiseur, il n’imaginait pas que sa propre maison puisse être un jour infestée. Le jeune homme, qui a retapé la bâtisse avec son père, dans le bas Floirac, l’a retrouvée dévastée, au petit matin. Plaque de cuisson explosée, tabouret planté dans le mur, canapé déchiqueté, table en verre brisée… la liste des dégradations, commises dans un foutoir indescriptible, serait trop longue pour ces quelques lignes.
Ce n’était pourtant pas à des animaux enragés mais à deux jeunes femmes placides que le propriétaire avait loué son domicile pour le week-end, sur la plateforme AirBnb. Alerté le soir-même par le tapage, qui déborde jusqu’au milieu de la rue, Alexandre appelle la police, qui une fois sur place… se résout à faire demi-tour lorsque la vingtaine d’occupants s’enferme dans la maison. 9h pétantes le lendemain, des résidus de pétards, du matériel à chicha et des cartouches de protoxyde d’azote (un gaz hilarant) jonchent le logement retourné, qu’Alexandre retrouve estomaqué.
Le saccage est complet, contrairement à son matériel : aspirateur, ordinateur portable, télé 3D, casseroles ont été volés. Le jour d’après est aussi dantesque : «La police m’a appelé pour me demander si j’avais à nouveau loué la maison »témoigne le damné. Cinq «touristes » qui avaient embarqué la clé se retrouvent à nouveau pour danser au milieu des ruines, si bruyamment que le voisinage appelle la maréchaussée en pleine nuit.
Les pompiers aussi sont réquisitionnés, car une poubelle extérieure, remplie de cartouches de gaz, vient d’exploser. Comme le PEL du proprio! En février dernier, celui d’un couple de Floiracais avait été amputé de 43 000 euros, montant des dégâts causés par un locataire sans scrupule, éminent footballeur de l’AS Béziers. Traumatisés par des «scènes de guerre», ils vivent depuis dans un hôtel, à leur charge, contraints, par la pusillanimité des autorités et d’AirBnb, de régler l’affaire eux-mêmes. Les rats quittent toujours le navire. Courage Alexandre.
L’écho des SIG
Coups de feu, interventions armées, agressions de policiers…la Métropole Bordelaise n’échappe pas à la réalité.
From Marseille with guns
28 février
Fin d’une course folle, avenue de la République, à Villenave d’Ornon. Recherché pour tentative d’homicide sur sa compagne dans les Bouches-du-Rhône, le quinquagénaire en fuite est repéré sur l’A62 au volant d’un SUV coréen. Après avoir forcé le péage de Saint-Selve, en tirant à l’arme de poing sur son comité d’accueil, le forcené taille la route jusqu’à la couronne bordelaise, un escadron de bolides et l’hélico des forces de l’ordre à ses trousses. Le fuyard fonce alors à tombeau ouvert jusqu’à la sortie de Villenave où il frôle l’accident à plusieurs reprises. A plusieurs reprises, les policiers ouvrent le feu pour stopper sa course infernale. Ambiance Far-West. C’est en prenant un rond- point à contresens que les policiers parviennent finalement à le stopper. Le criminel est cueilli en douceur. Il s’en tire avec de simples égratignures et une double enquête sur le dos.
GTA sur les quais
1er mars
Le contrôle du couvre-feu dégénère à 23h30, vers le Hangar 19, aux Chartrons. Un bolide, ostensiblement tapageur, attire l’œil d’une patrouille de la Compagnie Départementale d’Intervention (CDI), qui tente de le stopper. Au volant, un gosse de 16 ans appuie sur le champignon, percutant un des véhicules de police. Comme les y autorise la loi dans ces circonstances–évaluées depuis par l’IGPN–les brigadiers font feu une dizaine de fois. Touché au thorax, le chauffard est arrêté, sanguinolant, à quelques centaines de mètres, quai Richelieu. Un de ses deux courageux passagers, qui ont pris la poudre d’escampette, est vite rattrapé. Tous sont connus des services de police, désormais rodés au scénario. «Quasiment toutes les nuits, nous avons des refus d’obtempérer. Pas plus tard que samedi, j’ai moi même failli ouvrir le feu sur ce même genre de véhicule qui a essayé de forcer le passage. Là encore, un mineur au volant», s’inquiète un flic auprès de Rodéo. Le type de carriole, une grosse cylindrée allemande est, comme souvent, immatriculée en Pologne, nouvel El Dorado des jeunes des cités qui peuvent louer cash ces gros joujous à des entrepreneurs peu regardant sur l’origine des fonds. Ce soir-là, c’est une Audi RS3 qui a servi de bélier contre les forces de l’ordre. Les lascars, sans doute adeptes de la playstation, devaient être lassés de ne percuter que des percuter que des piétons sur GTA.
Abracadabra, le flingue disparaît
8 avril
Sortant de la boulangerie pessacaise où il était passé en vitesse, un flic en civil tombe né à né avec un voyou, en train de fouiller sa voiture. Frappé au visage dans l’altercation, l’agent se fait dérober son arme de service, accrochée à sa ceinture, par le cambrioleur qui prend ses jambes à son cou et, tel David Copperfield, disparaît au coin de la rue. Si quelqu’un trouve un Sig Sauer…
Bordeaux : insécurité printanière 2/2
Rixes, homicides, agressions au couteau, vols, et autres violences du quotidien : Rodéo vous donne le pouls des quartiers bordelais.

Indignations genrées
18 mars
Révélée par Rodéo, l’affaire a fait un ramdam national. Souvenez-vous : ce touriste anglais sauvagement molesté rue Chantre, à l’angle du cours de la Marne, filmé depuis un balcon par des riverains civiques. La meute, qui en avait après son enceinte bluetooth, se déchaîne à grands coups de pieds, devant la passivité des témoins, au mieux tétanisés, au pire complices décérébrés. La victime, à peine majeure et complètement bouleversée, ne nous lâche que quelques mots : «Je suis dans un pays étranger et je me fais agresser par des étrangers».Présentée comme une femme, à partir des informations initialement fournies par nos sources intervenantes, la victime est vite oubliée par certains de nos confrères, plus prompts à surveiller la ligne éditoriale d’un concurrent jugé menaçant. Ainsi, le journal 20 minutes dénonce-t-il une fake news : «Une jeune anglaise a-t-elle été “sauvagement”agressée, cours de la Marne?». Indignes guillemets pour une indigente interrogation. Tandis que la délinquance flambe, les médias dominants dissertent sur le sexe des anges et choisissent encore leurs indignations.
Lacéré pour avoir résisté
23 mars
Peu après minuit, deux albigeois bien torchés montent dans un bus à Bacalan. Non content d’être importuné par les effluves d’alcool, un passager manque de se faire arracher son téléphone portable avant de recevoir pour avoir osé résister, plusieurs coups de couteau au visage et au cou. Bilan : 21 jours d’ITT. Baghdad Abidi, 47 ans, et Farid Allou, 33 ans, les deux filous sans alibi, prendront respectivement deux ans et six mois fermes. Ce qui ne les a pas empêché de minimiser l’inouïe violence de leur geste lors de l’audition. Marquée à vie dans sa chair, la victime n’obtiendra ni regret, ni excuse.
Chienne de vie
5 avril
Flanquée de Lola, sa chienne de race American Bully, une mère de famille se rend chez une amie, à Bassens. Mais où est passée Lola ? Après quelques heures, la panique s’empare de la maisonnée, qui finit par la retrouver sur Snapchat. Contactés, les auteurs des photos de l’animal prennent très au sérieux leur droit à l’image : il leur faudra payer 300 euros, pour récupérer Lola, en plus du Photomaton, le soir même à Cenon. Plus maline que ses ravisseurs, la chienne est récupérée sans dommage le soir- même, par des agents de la Bac, prévenus du (piteux) stratagème. Un homme est placé en garde à vue pour tentative d’extorsion, puis relâché par le Parquet, pour qui réclamer une rançon n’est semble-t-il pas un délit. Encore un os à ronger pour les chiens de garde d’une justice aux abois !
Impunité collective
6 avril
Intervention bénigne et réception désormais banale pour une batterie de poulets, parc Palmer, à Cenon. Alors qu’ils intervenaient sur un vol de scooter, les fonctionnaires attirent à eux toute la ménagerie. Une trentaine de jeunes se mettent à leur jeter pierres et autres projectiles variant au cours de leur imagination. Le meilleur dans cette croustillante affaire : seuls deux malfaiteurs seront pincés. Nul doute que les policiers retrouveront le reste de la bande lors d’une prochaine séance de lapidation de fonctionnaires.
Meurtre d’un brave
10 avril
Pierre Sourgen, 68 ans, n’avait pas vocation à la notoriété, ni à se retrouver dans Rodéo. Pourtant, ce paisible retraité, tel que décrit par ses voisins de la résidence LeHameau de Bourbon, à Floirac, a semble-t-il été victime d’un “sentiment” trop palpable d’insécurité. Retrouvé gisant dans le hall d’immeuble, Pierre a succombé à de multiples blessures à la tête, à l’arrivée des pompiers. Rien ne présageait pourtant le sordide forfait, subi par cet habitant de trente ans, qui aimait bricoler l’après- midi dans son garage, comme il le fit ce jour-là. Mais comme l’expliquait un voisin, depuis quelques semaines, « les locaux techniques ont commencé à être squattés par des personnes qui venaient y fumer des joints, boire de l’alcool». In fine, la thèse des marginaux partis en vrille est corroborée, quelques jours plus tard. Quatre hommes et une femme, âgés de 19 à 21 ans, habitant Lormont, Cenon et Floirac, sont suspectés de l’homicide. Selon les premiers éléments, le déchaînement de coups serait parti d’une réflexion de la victime, agacée par les intrusions dans son quotidien de quiétude. Pour Pierre, comme Pierre, ne nous taisons plus jamais.
I want my moto back
13 avril
Un garagiste, à qui l’on vient de confier des bécanes saisies lors d’un rodéo à la Benauge, et à qui on ne la fait pas, reçoit un intriguant coup de fil. « Un sergent de police » prétend s’enquérir de la bonne réception des engins. Flairant l’entourloupe de ce gradé fictif, le consciencieux mécano décide de déplacer les motos cross. Bingo, la fine équipe, qui avait été prise en chasse par les policiers quelques heures plus tôt, est cueillie en train d’escalader la clôture du garage, dans la soirée. Les quatre garnements, âgés de 18 à 27 ans, avaient eu l’audace de venir récupérer leurs joujoux confisqués. Fin de l’épopée en garde-à-vue.
Bordeaux : insécurité printanière 1/2
Rixes, homicides, agressions au couteau, vols, et autres violences du quotidien : Rodéo vous donne le pouls des quartiers bordelais.

Serial voyeur
7 février
Un voyeur, adepte des centres commerciaux de la Métropole, est pris par la patrouille à Mérignac-Soleil : le quinquagénaire était en train de filmer sous la jupe d’une fille de 17 ans. Saisie par les enquêteurs, l’arme du crime, un vulgaire smartphone, recèle d’autres vidéos du même acabit, remontant jusqu’à 2018. Sept victimes, âgées de 17 à 75 ans, sont identifiées et notifiées, et déposeront plainte. Clap de fin pour Stanley Lubrique.
Service client tranchant
26 février
Éconduites par deux jeunes qui ne voulaient pas de leur cocaïne, deux adolescentes, armées de couteaux, s’en retournent lacérer les « clients » récalcitrants, rencontrés cours Pasteur, vers 1h du matin. Rapidement arrêtées, les vengeresses entraînent dans leur chute un complice de 27 ans présent lors de l’agression, cueilli dans un squat à proximité. L’histoire ne dit pas si la came a finalement trouvé preneur.
Home Sweet Home
19 mars
Quelle ne fut pas la surprise d’une jeune femme de voir surgir, en pleine soirée, par la fenêtre de son appartement du cour de l’Yser, deux hommes armés. Espérant y trouver l’ex de l’un des protagonistes, les deux intrus, équipés d’une batte de baseball et d’un couteau, ravagent de colère l’appartement et rouent la malheureuse de coups. Vous avez dit “ensauvagement” ?
Jungle Fever
6 mars
Deux gamins fiévreux vont au clash, galvanisés par leurs copains, sur un ring de plein air. Devant le CHU Pellegrin, vers 18h, la chaîne de contamination s’enflamme, le virus de la connerie est contracté par tout le groupe de spectateurs. Bilan : une trentaine de jeunes mineurs finissent par se mettre sur la margoulette. Le cluster est stoppé avec grand mal par une douzaine de policiers, qui en mettant fin à la rixe géante, interpellent treize voyous, âgés de 15 à 18 ans, venant de toute la métropole. Pas majeurs ni vaccinés, ils sont relâchés après une nuit à l’hôtel (de Police). What else ?
Flag en 16:9
30 mars
Alerté par le système de vidéosurveillance relié à son smartphone, un propriétaire de la rue du professeur Vuillemin, à Bacalan, prend en flagrant délit un gamin qui traine au milieu de sa cuisine ! Sitôt alertée, la police cueille le cambrioleur à sa sortie, un mineur étranger isolé de 17 ans, contraint d’avouer face aux images. Il n’y aura bientôt plus que Pierre Hurmic pour ne pas croire aux bienfaits de la vidéosurveillance… à domicile.
Family Business
31 mars
« Massage royal avec finition manuelle » : les naïfs étaient pourtant avertis. La patronne du salon de soins «Belle et Bien», cours du Maréchal Gallieni, est arrêtée, plus que pour une offre audacieuse, pour proxénétisme aggravé. La quinquagénaire chinoise, qui percevait jusqu’à 80 euros de « pourboires » par tête de pipe, voyait défiler jusqu’à une centaine de clients par mois, pour de torrides prestations, délivrées de concert avec sa soeur. Le lucratif commerce fait depuis l’objet d’une fermeture administrative de six mois. Les boules.
[LES NOUVEAUX CAÏDS] Épisode 6: Le silence des cités
Ce que révèle cette plongée dans la violence inter-quartiers à Bordeaux, c’est la fragilité d’une jeunesse sur le point de basculer dans l’ultra violence.

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S’il fallait cibler un mal en particulier à l’issue de cette enquête, sans doute la prévention de la récidive, et plus précisément encore celle des mineurs, devrait-elle être au cœur de toutes nos préoccupations. Seule notre volonté collective d’interrompre précocement ces parcours de délinquance identifiés, de reprendre en main des gamins qui se laissent glisser sur la pente du crime, nous permettra d’éviter le scénario du pire : un embrasement incontrôlable qui menace plus que jamais de nombreuses cités de la Métropole.
C’est sans doute ce constat qui a conduit le conseil municipal à ressortir une proposition issue du programme… de Nicolas Florian ! Le rappel à l’ordre donne au maire, en sa qualité d’officier de police judiciaire, la possibilité d’intervenir auprès d’une personne mineure, coupable d’atteinte au bon ordre, à la sûreté ou à la sécurité dans la ville. Son promoteur, Amine Smihi, justifiait la mesure : « En partenariat avec le Parquet, le rappel à l’ordre sera mis en place à Bordeaux et centré sur les mineurs. Notre intention vise à les responsabiliser afin de limiter le nombre de faits restés sans suite. Ce sera aussi l’occasion d’accompagner les parents dans l’éducation de leurs enfants et de leur proposer un suivi de nos services ». Une mesure « pas à la hauteur des enjeux » pour Aziz Skalli de La République En Marche. Des « leçons de morale » inutiles, pour Philippe Poutou de Bordeaux en Lutte, toujours défavorable à l’augmentation de la présence policière. Peut-être. Mais aussi le signe, bienvenu, que la problématique de la délinquance des mineurs est prise en compte.
Pour conclure, soyons lucides : nous n’échapperons pas, tôt ou tard, à un affrontement avec les bandes qui sévissent d’ores et déjà à Bordeaux. Face à la montée de l’armement aux Aubiers et à Chantecrit, certes, mais surtout à Grand Parc et à la Benauge, véritables plaques tournantes du trafic de drogue, la lutte sera âpre, difficile. Et nécessitera des frappes chirurgicales pour éviter l’embrasement. Ce combat est vital, car ce sont ces quartiers qui produisent l’essentiel de la délinquance que l’on retrouve dans les centre- villes : deals, agressions, cambriolages, etc. Et seul le démantèlement des bandes saurait ouvrir la voie à un traitement social et éducatif de ces problématiques. Car sans sécurité, toute politique de la ville, aussi généreuse et solidaire soit-elle, est vouée à l’échec.
Aujourd’hui, c’est vers la justice que sont tournés tous les regards. Son rôle sera en effet primordial dans les semaines à venir. Car même si les individus mis en examen dans le cadre de cette affaire devaient être condamnés, une peine jugée relative pourrait être explosive.
« Avec le couvre-feu et à cause du meurtre, y’a presque personne dehors »
Kim
Kim, notre ado de 16 ans, raconte l’ambiance pesante, mais aussi la chaleur humaine, la solidarité, qui se sont exprimées dans les quartiers suite à ce drame : « Les jeunes de la cité sont tristes. Ils se retrouvent régulièrement chez la maman de l’un des petits garçons blessés lors de la fusillade. Ils parlent de Lionel, ils ont fait des gourmettes et des maillots de foot de la Côte d’Ivoire à son nom ».
Depuis la terrible fusillade du 2 janvier, les Aubiers et Chantecrit tournent au ralenti. Même le Four semble être à l’arrêt. « C’est étrangement calme en ce moment » confirme un agent de la BAC. Pour tous les habitants de Chantecrit et des Aubiers, pour tous les travailleurs sociaux, les éducateurs, les médiateurs, les commerçants du quartier, pour toutes les familles qui envoient leur gamin à l’école la peur au ventre, pour tous les profs qui les accueillent, pour toutes les mères dont les fils ont été blessés, pour la famille de Lionel, espérons que ce calme ne soit pas annonciateur d’une terrible tempête.
DERNIÈRE MINUTE
Le 3 février, dans le quartier Chantecrit, deux jeunes hommes ont été poignardés à plusieurs reprises, après avoir été pourchassés et acculés au dernier étage d’un immeuble, dans lequel ils avaient trouvé refuge. D’après nos informations, l’une des deux victimes de cette agression à l’arme blanche serait l’un des cinq individus interpellés après la mort de Lionel. Remis en liberté faute d’éléments probants, son casier judiciaire se- rait chargé, faisant notamment état de vols à main armée avec violence. La deuxième victime serait, elle aussi, bien connue des services de police.
L’épisode précédent de notre enquête, « Les nouveaux caïds » est à lire ici: « Un flingue, c’est moins cher qu’une PlayStation »
[LES NOUVEAUX CAÏDS] Épisode 5: « Un flingue, c’est moins cher qu’une PlayStation »

Gros ou petits calibres, la multiplication des armes dans les banlieues bordelaises est un phénomène incontestable, difficilement mesurable, particulièrement préoccupant. Un agent de la Police Judiciaire le confirme : « La circulation augmente, c’est évident. Aujourd’hui, il n’y a plus une perquisition ou un contrôle de cave qui ne donne lieu à une saisie d’armes à feu ».
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D’où viennent les armes qui tournent dans nos cités ? Traditionnellement, on évoque la filière des Balkans et, de manière générale, les pays de l’Est sont souvent pointés du doigt, comme si le problème était ailleurs, loin de notre vue. Mais encore faut-il que ces pistolets, fusils, grenades, qui fascinent tant les racailles, arrivent à destination. « Elles entrent d’abord par des frontières qu’on ne protège plus, commente un policier de terrain, blasé. En ce moment, on surveille surtout les réseaux kosovars et bulgares qui font entrer des sacs de flingues à 200 euros. Mais il faut le dire, on n’a plus les moyens légaux de contrôler, certains textes de lois ne sont plus adaptés. On n’a plus le droit de fouiller les passagers d’un véhicule suspect ni même d’ouvrir les coffres. Du coup, on contrôle de moins en moins et les armes peuvent entrer dans les cités ». Quant aux revendeurs locaux, ils ne manquent pas. En 2018, un turc écoulait des armes destinées à la destruction avec la complicité d’un Lormontais, qui limait les numéros de série dans son atelier de fraisage. Lors des perquisitions menées chez les suspects, un pistolet-mitrailleur, un fusil d’assaut, un colt 357 magnum, des pistolets de calibres 45mm, 38 spécial, 11,43mm et des fusils à pompe ont été saisis ainsi qu’un peu plus de 200 kilos de munitions. Plus récemment, au cours de l’été, une rumeur persistante faisait état de la présence, dans les cités bordelaises, d’un gars se baladant avec des sacs remplis d’armes.
« Un flingue, c’est moins cher qu’une Playstation. Quand t’en as un, tu l’utilises. Plus besoin d’être une caillera pour sortir un gun, juste un gamin déconnecté. »
Salih, Grand Frère
Ce trafic devrait être au centre des préoccupations de ceux qui nous dirigent. Car il est une vérité, celle-ci incontestable : les armes sont le préalable à l’instauration d’un caïdat. Si entre 5.000 et 6.000 saisies judiciaires d’armes sont réalisées chaque année, impossible de déterminer le nombre de ces engins circulant sous le manteau. Les estimations tournent autour de quelques dizaines de milliers (source : Smalls Arms Survey). Pour l’heure, le volume d’armes dans la métropole bordelaise n’a pas atteint les taux d’équipement des cités toulousaines, marseillaises et à fortiori franciliennes. Mais de toute évidence, la machine infernale est lancée : « Il suffit qu’une bande s’équipe pour que la bande rivale en fasse autant. C’est un moyen d’intimidation, nécessaire pour ne pas se faire bouffer », conclut, lucide, un agent de la P.J.
Défaut d’autorité parentale, scolaire, judiciaire, policière : les responsables de la situation sont à trouver à tous les échelons.
ÉLUS IMPUISSANTS, ÉTAT DÉFAILLANT
Un mois après la tragédie des Aubiers, le retour à la normale n’est pas d’actualité. La peur règne en maître et, dans l’ombre, les caïds affûtent leurs couteaux. Aujourd’hui, les habitants des cités des Aubiers et de Chantecrit sont otages d’une vendetta dont nul ne connaît l’issue. Les politiques, quant à eux, s’emparent du sujet pour exister. L’opposition se réveille et fait la leçon au nouveau maire, en profitant au passage pour se refaire une virginité. Nathalie Delattre, pourtant maire-adjointe du quartier de 2008 à 2017, ose sur Twitter : « Des années à alerter sur la montée des rixes entre les quartiers Aubiers, Chantecrit, Bacalan… Il faut malheureusement un choc comme celui-ci pour que les hautes autorités comprennent la nécessité urgente de réagir avec vigueur ». Faut-il rappeler à Mme Delattre que, pendant près d’une décennie, c’était elle la haute autorité de ce quartier ? Cette absence d’auto-critique ne surprend guère, tant les causes de la défaite, aux dernières élections municipales, ne semblent pas avoir été identifiées par les membres de l’ancienne majorité. Certes, Fabien Robert reconnaissait dans nos colonnes la responsabilité de la précédente équipe municipale, dont il était l’un des principaux animateurs. Mais ce constat d’échec, son ex-patron, Nicolas Florian, l’esquive soigneusement pour mieux montrer ses muscles, en réclamant « une police municipale armée » et des « actions fortes ». Des mots qui ne parviennent pas à faire oublier sa responsabilité dans la situation actuelle. Car c’est bien sous son mandat que la délinquance a flambé à Bordeaux. De son côté, son successeur, Pierre Hurmic, qui, longtemps, ne semblait voir de problèmes d’insécurité qu’à Saint-Michel, reste fidèle à sa ligne : se salir le moins possible les mains sur un sujet dont il rechigne à assumer la charge, mais qu’il ne peut plus éviter.
« La sécurité publique est une affaire d’État, mais la mairie ne doit pas s’en désintéresser »
Pierre Hurmic, France Bleu, 6 janvier
Toutefois, il serait injuste de ne réclamer des comptes qu’à nos élus locaux. Le développement de cette guerre des quartiers a d’abord été rendu possible par l’incurie de l’Etat dans ses missions régaliennes : assurer la sécurité intérieure, maintenir l’ordre public, rendre la justice. Cet assassinat, au coeur de la cité des Aubiers, est le symbole de l’impuissance des gouvernants à protéger leurs concitoyens, en particulier ceux qui vivent dans ces quartiers dit sensibles pour ne pas dire hors-la-loi ou hors-de-contrôle. Dans l’entourage de Pierre Hurmic, on s’interroge sur la volonté réelle du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et de la préfète, Fabienne Buccio, de voler au secours d’un maire écologiste, dont la déroute réjouirait sans doute la majorité présidentielle. Car la violence qui émane des cités de la Métropole est d’abord la responsabilité de l’Etat. Et la réponse à y apporter est avant tout une question de volonté politique nationale. En clair : Fabienne Buccio a le pouvoir de réclamer demain, à la DDSP (Direction Départementale de la Sécurité Publique en Gironde), la liste des voyous qui pourrissent la vie de ses administrés et de frapper fort, en conséquence. Mais encore faut-il qu’elle en reçoive l’ordre, d’en-haut.
Impossible de ne pas évoquer également la responsabilité de la justice, tant la question de la récidive est présente dans ce dossier. Un sujet sensible lorsqu’on s’adresse aux policiers de terrain : « Les procédures sont trop lourdes. Et on a de plus en plus de mal à recruter de bons informateurs. Pourtant, maintenant, la justice peut aller jusqu’à les payer. Mais la carotte ne suffit pas. Les gens ont peur de parler. Surtout quand ils voient que même un archi-multirécidiviste ressort de prison aussi vite qu’il y est entré. Les peines maximales c’est bien, mais des peines minimales ce serait mieux. Peut-être qu’ils hésiteraient un peu plus avant de recommencer. Les peines plancher de Sarko, c’était ça, mais c’était pas appliqué, je sais pas pourquoi ». Il est vrai que les peines planchers n’ont jamais été très populaires auprès de la magistrature. Et dans une ville comme Bordeaux, où le parquet est si proche de l’ENM (Ecole Nationale de la Magistrature), difficile d’imaginer la procureure de la République, Frédérique Porterie, soutenir de telles mesures punitives. Il se murmure pourtant, à la sortie des palais, qu’elle mettrait, ces derniers temps, la pression à la DDSP pour qu’elle ouvre davantage d’enquêtes. Message reçu par son directeur, Patrick Mairesse, qui en profite… pour réclamer davantage de caméras dans les quartiers sensibles. Et d’adresser, au passage, un tacle glissé au maire de Bordeaux, peu favorable à de tels dispositifs : « J’ai travaillé dans plusieurs départements (…) on a pu installer durablement des caméras de vidéo protection dans des quartiers sensibles et elles ont tenu. Il y a une réflexion (…) pour éviter qu’elles soient attaquées, qu’un mat ou un poteau soit scié. Mais si on veut, on peut faire » – (France Inter, 10 janvier). On l’aura compris : élus locaux et nationaux, police et justice, tout le monde se renvoie la balle, dans un jeu de dupes dont les premières victimes sont les habitants des quartiers.
L’épisode précédent de notre enquête, « Les nouveaux caïds » est à lire ici: Lionel, mort à 16 ans
Retrouvez l’épisode final mercredi 10 mars dès 8h
[LES NOUVEAUX CAÏDS] Épisode 4: Lionel, mort à 16 ans

Sa disparition a ému bien au-delà des Aubiers. Parce que la mort d’un enfant relève toujours de l’indicible. Et parce que ses meurtriers présumés ont à peine 20 ans.
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Au lendemain de la tragédie du 2 janvier, les hommages à Lionel se sont multipliés. Au lycée des Chartrons, où il était scolarisé, les élèves et les professeurs ont voulu saluer la mémoire de leur camarade en lisant des textes et en marquant une minute de silence. « Je ne le connaissais pas beaucoup mais il avait l’air gentil » nous dit un lycéen. « Depuis son arrivée au lycée, il ne posait aucun problème », assure le proviseur. Même si comme beaucoup d’autres jeunes du quartier, sa scolarité n’a pas été un long fleuve tranquille.
« Ce n’était pas un élève modèle, mais ce n’était pas un caïd, non plus. »
Véronique Seyral, principale
Au collège Edouard Vaillant, où un hommage lui a également été rendu, on reconnaît qu’il était un peu bagarreur, pas très discipliné. Pour la principale, Véronique Seyral, également conseillère municipale en charge de la politique de la ville, « Lionel était certes loin des attentes scolaires mais il faisait des progrès, la preuve, il est passé en Seconde ». À dire vrai, il était en difficulté depuis ses 13 ans et il réclamait, comme beaucoup de gamins de ces quartiers, une attention particulière.
D’autant qu’à la maison, il était bien en peine de trouver un véritable soutien : un père alcoolique aux abonnés absents, une mère isolée, parlant mal le français, « larguée depuis longtemps » à en croire un éducateur. Bref, un gamin issu d’une famille déstructurée, comme 70% des ados que voient défiler le CPLJ33 (Centre de Prévention et de Loisirs des Jeunes de la Gironde), auquel Lionel avait adhéré. Sur les murs du local, on peut le voir sur une photo de groupe, radieux. Les membres de ce centre de loisir, encadré par la police nationale, l’assurent : « Il était investi dans la cité et n’hésitait pas à jouer les Grands Frères auprès des plus petits ». Plutôt à l’aise, séducteur, il venait de décrocher le premier rôle pour tourner dans un film produit par l’association Urban Vibration School sur le thème de la Solidarité, une valeur en laquelle il croyait.
Ainsi Lionel était-il une figure bien connue et appréciée des Aubiers. Mais aussi un jeune évoluant, inévitablement, trop près des petits voyous du quartier. Plusieurs sources concordantes, proches du dossier, affirment qu’il montrait depuis l’été des signes de basculement : « Il semblait glisser vers une forme de délinquance juvénile ». Mais dans ce climat d’omerta généralisée, les témoignages que nous recueillons depuis plus d’un mois nous sont délivrés à demi-mots, pesés, mesurés. Rien ne permet d’affirmer que Lionel était impliqué dans les précédents règlements de comptes. Et quand bien même il aurait été embarqué dans une trajectoire inquiétante, c’était un adolescent intégré à la vie de sa cité et qui n’avait pas le profil d’un caïd. Contrairement aux individus soupçonnés de l’avoir tué.
Dans cette affaire, les vrais caïds, ce sont eux. Bien connus des services de police, interpellés à plusieurs reprises, rarement punis par la justice, les quatre individus mis en examen, âgés de 18 à 21 ans, cochent toutes les cases de la délinquance juvénile : trafic, violences physiques, etc.
CAÏD
(nom masculin) : 1. De l’arabe qā‘id, le chef ; 2. Mauvais garçon qui impose son autorité (Chef de bande)
Un policier, qui a plusieurs fois croisé leur route, précise l’information : « Il y a notamment deux frères qu’on connait bien. En gros, ce sont 2-3 familles, parfaitement identifiées, qui sont au coeur de l’affaire ». Des multirécidivistes connus et reconnus, donc. Les voici à présent accusés de meurtre et tentative de meurtre en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime.
« On a vu ces gamins passer du petit larcin à des actes plus graves sans que la justice ne parvienne à stopper leur dérive. »
Un flic de la BAC
Le fait que les accusés aient fait appel à Maître Blazy pour assurer leur défense en dit également long sur leur profil. Avocat pénaliste très expérimenté, il est notamment connu pour avoir défendu des membres de la filière de drogue Bacalanaise, des trafiquants de cocaïne actifs dans le Blayais, mais aussi deux dealers surnommés « le Gitan à la Volvo » et « le Gitan à la Nissan » ou encore les principaux fournisseurs en substances illicites du milieu de la nuit bordelaise. Osera-t-il plaider, comme il l’avait fait lors d’un procès : « faute avouée à moitié pardonnée » ? Il semblerait en tout cas que ses clients ne soient pas prêts à reconnaître leur implication dans la fusillade des Aubiers, puisqu’ils nient encore avoir été présents sur les lieux du crime.
Les policiers ne sont pas les seuls à avoir détecté le potentiel criminogène de ces multirécidivistes. Repérés par les psychologues scolaires et par les professeurs, ils avaient été signalés à la MDS (Maison Départementale de Solidarité) mais sans jamais avoir été réellement pris en charge. Pourtant, cet organisme dispose d’importants outils de pression : déclencher un signalement, convoquer les parents et si besoin mettre un juge dans la boucle. Encore une fois, c’est l’impuissance des agences de l’Etat à prévenir ces phénomènes de violences juvéniles qui interpelle. Un mineur qui dérape est par définition un mineur en danger et à ce titre devrait faire l’objet d’une obligation de suivi. Et si ce n’est la MDS, mairies, bailleurs et services sociaux ont également les moyens d’intervenir, de convoquer, d’avertir, de menacer et même de sanctionner.
« C’est pas qu’ils les encouragent, mais clairement il y a des familles qui laissent faire et qui en profitent. Les parents doivent faire le taf, reprendre la main sur l’autorité »
Morad, éducateur spécialisé
Mais si l’on veut véritablement revenir aux sources du mal, il est impossible de passer sous silence la responsabilité des parents. Car avant de naître dans un quartier, les meurtriers présumés de Lionel ont d’abord grandi dans une famille. Mais peut-on réellement attendre une reprise en main de la part des parents ? A en croire Maître Herrera, avocat de la famille de Lionel et de l’un des gamins blessés, la plupart de ses clients sont « des mères isolées, souvent femmes de ménage et qui parlent à peine français ». Des mamans dépassées, démunies face à des gamins devenus ingérables. Pour autant, de la petite délinquance au meurtre en bande organisée, il y a un pas que l’impuissance parentale ne saurait à elle seule justifier. Car pour devenir un meurtrier, encore faut-il pouvoir s’armer.
L’épisode précédent de notre enquête, « Les nouveaux caïds » est à lire ici: Chronique d’une tragédie annoncée
Retrouvez l’épisode 5 lundi 8 mars dès 8h